Les Maîtres du désordre, expo-fusion

- Musée du Quai Branly du 11 avril au 29 juillet 2012
Il n'est rien de plus dangereux que les manifestations anthropologiques qui, sous prétexte de parler des humains en général, mélangent tout, périodes et origines géographiques. C'est la porte ouverte aux décontextualisations faciles dans lesquelles les "visual studies" ont tendance à tomber : montrer une main est mis sur le même plan avec 400 ans de différence et 100 000 km de distance. L'exposition de Philippe Descola La Fabrique des images en avait été un des pires exemples récents.
Pourquoi cette euphorie alors en visitant Les Maîtres du désordre organisée par Jean de Loisy ? Pas pour le titre, courageux mais un peu racoleur. Pour deux raisons probablement. D'abord, en prenant le chamanisme --qui est apparemment une des formes les plus anciennes de conception du monde et dont des caractéristiques se retrouvent sur tous les continents--, l'exposition est organisée selon des préoccupations simples d'un animisme liant humains-flore-faune-cosmos. Cela correspond à la conception environnementale des scientifiques aujourd'hui et dépasse la question science-croyance. Ensuite, une exposition n'est ni un livre, ni une thèse, mais un parcours visuel. Il doit donc être conçu par des spécialistes du visuel, ici Loisy, ailleurs Jean Clair, Borja-Villel ou Mark Jones. C'est ainsi que les juxtapositions de civilisations et l'intervention d'artistes contemporains semblent pertinents, car il existe une cohérence de sens et une cohérence visuelle dans une scénographie adaptée.
Voilà donc un très intéressant exemple qui peut se révéler passionnant pédagogiquement à tous les âges (sauf les plus jeunes à cause de quelques vidéos violentes). C'est un des mérites de la politique culturelle très diversifiée du Quai Branly. Profitez-en pour visiter aussi l'expo sur la Patagonie comme espace mythifié et comme espace représenté ou celle sur la pluie (un peu courte cependant pour un si beau et vaste sujet).