DELEUZE Gilles, Cinéma 1. L'image-mouvement,Minuit,Paris, 1983
DELEUZE Gilles, Cinéma 2. L'image-temps, Minuit, Paris, 1985
Cette étude n'est pas une histoire du cinéma, mais un essai de classification des images et des signes tels qu'ils apparaissent au cinéma. On considère ici un premier type d'image, l'image-mouvement, avec ses variétés principales, image-perception, image-affection, image-action, et les signes (non linguistiques) qui les caractérisent. Tantôt la lumière entre en lutte avec les ténèbres, tantôt elle développe son rapport avec le blanc. Les qualités et les puissances tantôt s'expriment sur des visages, tantôt s'exposent dans des " espaces quelconques ", tantôt révèlent des mondes originaires, tantôt s'actualisent dans des milieux supposés réels. Les grands auteurs de cinéma inventent et composent des images et des signes, chacun à sa manière. Ils ne sont pas seulement confrontables à des peintres, des architectes, des musiciens mais à des penseurs. Il ne suffit pas de se plaindre ou de se féliciter de l'invasion de la pensée par l'audio-visuel ; il faut montrer comment la pensée opère avec les signes optiques et sonores de l'image-mouvement, et aussi d'une image-temps plus profonde, pour produire parfois de grandes oeuvres.
COMOLLI Jean-Louis, Voir et pouvoir. L'innocence perdue : cinéma, télévision, fiction, documentaire, Verdier, Paris, 2004
Depuis plus d'un siècle, le cinéma a joué double jeu: initiateur de la montée en puissance des spectacles, il en a été aussi l'outil critique, l'instrument invitant les spectateurs à mieux voir et mieux entendre. Au cinéma, pour être spectateur, il faut accepter de croire en ce qu'on voit; et pour l'être davantage encore, il faudrait commencer à douter - sans cesser de croire. Croire en la réalité du monde à travers ses représentations filmées, c'était l'affecter d'un doute. Croire, ne pas croire, ne plus croire, croire malgré tout ce qui dément la croyance: telles sont les questions du cinéma - qui sont abordées ici. Chacun de nous, sommé par le spectacle d'y prendre sa part, en sera acteur et spectateur, consentant et non consentant, complice et adversaire à la fois. Les questions du spectateur de cinéma sont devenues les questions de tous, alors même que le marché mondial des images et des sons n'a que faire de la prétention du cinéma à proposer, du monde comme scène, un mode d'emploi. Voir et pouvoir? On se persuade très vite dans les salles obscures que les enjeux de mise en scène sont doubles - esthétiques et politiques; et que cette place du spectateur qui est la nôtre n'est pas coupée de celle du sujet politique que nous ne cessons d'être. Quinze ans de textes critiques et théoriques, d'interventions, de tribunes: ce volume articule le double chantier d'une pensée et d'une pratique du cinéma, qui sont les deux faces d'un même combat pour la construction d'un spectateur critique et d'une approche politique de l'expérience cinématographique